Le management commercial et l’omnicanalité

L’omnicanalité est le sujet de nombre de sociétés commerciales depuis quelques années. Permettre de rester en contact avec ses clients à tout moment, partout et via différents moyens de contact est devenu un impératif pour optimiser ses ventes. Reste une question qui n’a pas encore été traitée par nombre de secteurs d’activité. Comment harmoniser le management commercial et l’omnicanalité ?

Relation client omnicanale, vente et omnicanalité. On entend ces termes partout dans les bureaux des stratèges de la relation client. Le sujet est devenue une priorité pour de nombreuses entreprises. On peut lire des articles sur l’omnicanalité dans tous les magazines spécialisés, les blogs d’influence et autres. Mais derrière cette expression devenue familière, quelle est l’incidence sur le management commercial.

En effet, si vendre via différents canaux est un plus énorme pour vendre ses services et produits, mais surtout indispensable pour optimiser sa relation client, cela a aussi une incidence sur les réseaux physiques. Car les réseaux physiques font bien partie de l’omnicanalité, au même titre que le site internet, les plateformes téléphoniques et les réseaux sociaux. Et c’est là qu’intervient le management commercial. Comment celui-ci doit-il évoluer pour que le réseau garde une efficacité certaine, et surtout, apporte tout son potentiel au développement de l’activité ?

Omnicanalité vs multicanalité

Avant toute chose, nous allons revenir sur la notion d’omnicanalité. Contrairement à ce que j’entends encore trop souvent, l’omnicanalité ne consiste pas à proposer, tout simplement, plusieurs canaux de communication ou de vente à ses clients. On a souvent tendance à confondre le concept d’omnicanalité et celui de multicanalité.

La multicanalité ou le choix du contact

Pour commencer, la multicanalité consiste à proposer différents canaux de vente ou de contact client. La relation client pourra se faire soit en agence ou magasin, soit sur le site internet, soit avec une plateforme téléphonique, par exemple. Ce que vous devez retenir ici, c’est le « soit », autrement dit « OU ». Un réseau multicanal consiste donc à proposer à son client de choisir entre différents canaux. Son choix aura une incidence sur le suivi de sa relation.

Prenons, par exemple, le cas d’un agent d’assurance. Celui-ci gère ses clients depuis son agence, il communique avec eux par mail ou téléphone. Si un nouveau client, habitant dans son secteur, souhaite faire un devis via le site internet de l’assureur, et que ce dernier est contacté par une plateforme téléphonique lui proposant une offre commerciale spécifique, nous sommes dans la multicanalité. Le client a choisi le site web pour entrer en contact avec notre compagnie d’assurance et celui-ci reste en contact avec ce canal. A aucun moment, notre agent n’entrera dans la relation client. Il ne sera pas informé du devis et n’aura pas accès aux informations.

L’omnicanalité ou la relation client en continue

L’omnicanalité se différencie de la multicanalité par sa façon de gérer la relation client. Dans le cas d’une relation omnicanale, si le client choisi, à un moment donné, un canal de distribution ou de mise en relation, il pourra choisir de changer de canal, à n’importe quel moment, sans que cela ait d’incidence sur le suivi de sa relation. Ici, le réseau physique, le site internet, la plateforme téléphonique voire les réseaux sociaux vont tout mettre en œuvre pour s’échanger l’information, la mettre en commun, pour que le contact avec le client soit continu.

Reprenons notre assureur et son nouveau client. L’omnicanalité consistera a informer notre agent qu’une demande de devis a été effectuée, via le site web national. Si notre client décide de venir chercher plus d’infos chez notre agent, ce dernier pourra accéder au devis. Dans le même temps, il pourra le renseigner et lui proposer de finaliser le contrat, aux même conditions et avec les mêmes promotions ( vous voyez la difficulté?). Nous pouvons même aller plus loin en estimant que si notre client décide de finaliser son devis en ligne, les mises à jours de l’agence seront enregistrées et que l’ensemble des services de la compagnie sera au courant des différents contacts.

L’omnicanalité consiste donc à remplacer le « OU » de la multicanalité par un « ET »

Un changement de paradigme et de management

Si ces deux concepts semblent proches, ils sont complètement différents dans l’approche de la relation client, donc l’approche commerciale. Nous changeons radicalement de paradigme. L’idée, avec l’omnicanalité est de ne plus mettre en opposition les différents réseaux, voire de les rendre complémentaires. L’omnicanalité doit permettre à tous les réseaux de travailler au même objectif :

« Conquérir et fidéliser le client, tous ensemble. »

J’entends déjà certains, parmi vous me dire « c’est déjà le cas chez nous », « nous avons déjà mis cela en place » En êtes-vous sûr ?

Un changement de culture indispensable pour l’entreprise

Mettons-bous dans la peau du client quelques instants. Ne vous est-il jamais arrivé d’entrer dans une boutique en ayant remarqué un pull, sur le site. Voulant l’essayer avant de l’acheter, vous allez en boutique pour vous entendre dire «  Nous ne l’avons pas en stock, désolé ». Autre exemple : N’avez-vous jamais vu une promotion pour un crédit auto, sur le site de votre banque. Vous allez en agence pour vous entendre dire «  je ne pourrai pas avoir le même taux, c’est une promotion web ». Encore un dernier exemple : Vous avez vu un canapé dans un magasin, après réflexion de quelques jours, vous allez voir sur le site pour le commander et…. Il n’existe pas sur le site….

Nous voyons bien que l’omnicanalité n’est pas si simple à mettre en place. Car ce que vous vivez en tant que client, vous le vivez aussi en tant que commercial ou manager. Laisser un client aller finaliser une offre sur le web ou avec vos collègues de la plateforme téléphonique vous laisse-t-il indifférent ? Non, car vous avez des objectifs à atteindre. Pourtant pour le client, une marque est une marque. Il se fiche royalement de savoir que, en interne, chaque réseau est autonome. Il veut un service ou un produit, sans se poser de questions.

Adapter le management à l’omnicanalité

C’est donc tout le management commercial qui doit être revu et corrigé. Le manager d’aujourd’hui ne peut plus voir son activité, ses concurrents et son environnement avec les mes yeux qu’hier. Il doit prendre en considération les nouvelles habitudes de ses clients et prospects. Ces derniers ne voulant plus choisir entre un canal, il doit accompagner cette nouvelle relation.

La question du pilotage de l’activité et des résultats de l’équipe se pose alors. Comment demander à un vendeur de vendre et de déléguer cette dernière dans le même temps ?

Objectiver différemment l’activité

C’est donc, aujourd’hui, le grand défi des managers commerciaux, mais surtout des directions commerciales. Comment entraîner les équipes réseau dans l’objectif de l’omnicanalité tout en leur demandant des résultats commerciaux ?

En effet, nous voyons encore trop souvent des entreprises ou les résultats individuels sont pilotés au jour le jour. Ce suivi implique un pilotage de l’activité et des objectifs qui peuvent pousser un collaborateur à penser individuel, et non collectif. Demander à un conseiller de vendre ses 5 assurances complémentaires par jour pour augmenter son taux de multi-vente peut l’inciter à ne pas vendre les solutions disponibles sur le compte du client. Pourtant, si le client peut souscrire cette assurance en 2minutes, lui-même, c’est un gain de temps que le conseiller peut mettre à profit pour vendre des produits à plus forte valeur ajoutée. Je ne dis pas que le conseiller ne doit pas faire de multi-vente, mais qu’il peut ne pas vendre les solutions digitales pour garder la relation client.

Dans le même temps, il est impératif que les services digitaux et les équipes de vente et relation à distance ne soient plus vue comme des concurrents internes, mais comme des alliers. Proposer un click & Collect dans un magasin du réseau est une excellente solution pour un client. Cependant, si ce service est vu comme une perte de temps par les vendeurs sur place, cela ne fonctionnera pas à moyen terme. C’est pourtant souvent le cas. Le client achète, moins cher, un pantalon en ligne qu’il se fait livrer dans un magasin, près de chez lui. Et ce magasin ne sera même pas commissionné pour la vente du pantalon.

Le réseau physique et l’omnicanalité

En fait, certains acteurs ont tout simplement oublié que l’omnicanalité passe aussi par le réseau physique. On voit le digital comme un accélérateur de développement et le réseau physique comme une charge. C’est une grosse erreur. Nous ne savons tout simplement pas manager nos équipes.

Je prends souvent l’exemple de ma femme que j’accompagnais dans une célèbre enseigne de vêtement française. Elle avait vu un pull noir, sur le site la marque. Elle décide d’aller en magasin pour essayer et, éventuellement acheter ce dernier. Arrivés en boutique, nous trouvons bien le modèle, mais uniquement en beige. Nous allons voir une vendeuse, occupée à plier des pantalons. Celle-ci nous répond qu’elle n’a pas le pull noir en stock et que sa prochaine livraison est pour la semaine suivante…. Ma femme a trouvé, par hasard, un autre pull noir qui lui a plu, dans une autre boutique. Et ce, 1 heure après.

Si l’omnicanalité avait été pilotée dans cette enseigne, la vendeuse aurait arrêté de plier ses pantalons ( ce qui devait être sa tâche du moment) . Elle aurait proposé à ma femme d’essayer le pull beige et, si celui-ci lui convenait, de commander le noir, et le faire livrer, via son compte client, chez elle ou dans la boutique la plus proche de chez elle.

Cependant, dans le cas actuel, la vendeuse a estimé que ce n’était pas on rôle ni, sans doute, son intérêt.

Le management de l’omnicanalité

Piloter son équipe commerciale dans une optique omnicanale, c’est :

  • Piloter l’activité vente terrain, bien évidemment.
  • Piloter la vente du compte client au quotidien.
  • Piloter la connaissance client, le suivi de l’information.
  • Piloter le suivi des contacts digitaux.
  • Apprendre à déléguer certaines activités aux clients et autres services de l’entreprise à son profit.
  • Passer d’une culture du résultat à une une culture du résultat et des moyens.

Un changement de rémunération indispensable

Quand nous avons vu ce que l’omnicanalité pouvait demander comme changement dans le management commercial, nous devons nous poser la question du comment y arriver.

Je reste persuadé que si la rémunération ne fait pas tout dans le bien être des collaborateurs au travail, il reste un levier important. Il reste un levier important pour garder les meilleurs éléments mais il est aussi un levier important dans le pilotage des points de vente.

Reprenons l’exemple d’un magasin de vêtements. Si ce dernier n’est pas rémunéré sur les ventes en ligne ou que ces ventes ne rentrent pas dans son chiffre d’affaires, pourquoi ses équipes seraient-elles motivées pour vendre la relation client digitale ? Je ne comprends pas cette pratique. Elle met de côté tout le potentiel des commerciaux et de la vente physique.

Une unité commerciale, ou centre de profit, doit être rémunérée sur les ventes en ligne. De cette façon, elle trouvera un intérêt à vendre cette solution pour augmenter son chiffre d’affaires. Elle pourra se concentrer sur des animations à forte valeur ajoutée ou se concentrer sur la prospection. Et ce qui est valable pour un centre de profit le sera automatiquement pour un collaborateur, surtout si celui-ci est un vendeur commissionné.

A l’époque ou je travaillais dans une grande banque de réseau, j’avais, en tant que conseiller en gestion de patrimoine, des objectifs sur le nombre de prospects à rencontrer et un volume de chiffre d’affaire à entrer en gestion de fonds ( d’argent à placer pour être clair). A côté, nous devions aussi proposer nos assurances voiture, habitation et autres. Vous imaginez bien que j’avais autre chose à faire. Mais, j’avais une fiche de poste a respecté et des objectifs à atteindre.

Ayant une manager intelligente et très efficace, je lui avait proposer le deal suivant, qu’elle avait accepté :

Je ne prendrai pas le temps de proposer des assurances à mes clients. J’amorcerai juste le sujet et déléguerai la relation commerciale à la plateforme téléphonique. Les conseillers de cette dernière étant plus disponibles et surtout plus compétents que moi pour faire cela. Les ventes effectuées entrant dans le portefeuille de notre agence, tout le monde était gagnant.

Résultat : Je ne faisais pas mes chiffres sur cette activité mais l’agence avait les résultats. Je répondais à la demande de la direction commerciale, mon agence avait des résultats et les conseillers de la plateforme faisaient des ventes qu’ils n’auraient pas fait autrement.J’étais serein pour mon activité et mon chiffre d’affaires de fonds récoltés, mon cœur de métier, était supérieur à mes collègues. Ce qui est valable avec une plateforme téléphonique l’est aussi avec un site proposant des devis en ligne.

La rémunération des conseillers doit donc changer. Cela sera simple pour une activité avec un portefeuille client. Le commercial pourra être rémunéré sur le taux d’équipement et la rentabilité de son portefeuille, plutôt que sur un chiffre d’affaires brut.

Ce changement de rémunération sera sans doute plus compliqué pour des activités en One-Shot, sans portefeuille. Dans le cas, la rémunération devra prendre en compte les moyens mis en place, au même titre que les résultats. Cela demande un pilotage et un suivi plus fin, j’en conviens. Mais c’est indispensable pour réussir sa transformation omnicanale.

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